Comment se sont formés les continents ? Cette question reste en partie ouverte, mais le plateau océanique des Kerguelen pourrait bien fournir une partie de la réponse, d’après une équipe franco-australienne menée par le laboratoire Géosciences environnement Toulouse (CNRS/Université Toulouse III-Paul Sabatier/IRD/Cnes). L’équipe comprend en outre des membres du Laboratoire Magmas et Volcans (CNRS/Université Clermont Auvergne/Université Jean Monnet Saint-Etienne/IRD), du laboratoire Géoarchitecture de l’Université de Bretagne occidentale et du département de sciences de la Terre et des planètes de l’université Macquarie (Australie) et a reçu notamment le soutien de l’IPEV (Institut polaire français).

Du point de vue géologique, c’est l’enveloppe la plus superficielle de la Terre qui distingue les continents des océans : la croûte océanique, assez fine, est composée surtout de basaltes, issus de la fusion du manteau terrestre sous-jacent, alors que la croûte continentale, plus épaisse et de composition granitique, est issue de magmas ayant évolué en profondeur avant de se solidifier. De tels magmas se forment notamment au niveau des zones de subduction, lorsqu’une plaque plonge sous une autre. Mais une étude publiée le 16 juin 2020 dans la revue Terra Nova apporte des arguments en faveur d’un deuxième modèle : la formation d’embryons de continents au niveau de plateaux océaniques, comme celui des Kerguelen. Formée par d’importants épanchements de basaltes, la croûte de ces plateaux est anormalement épaisse par rapport à une croûte océanique standard. Les chercheurs et chercheuse se sont intéressés à une roche de la famille du granite (syénite) incluse dans les laves du plateau. En étudiant la géométrie et la structure interne du massif de syénite et en procédant à de nombreuses datations des roches, ils ont pu reconstituer son histoire et montrer qu’elle présente de fortes similitudes avec celles de nombreuses intrusions situées dans la croûte continentale. Ce sont par exemple l’injection discontinue dans le temps de multiples lentilles de magmas – qui ont soulevé peu à peu les roches environnantes –, la durée de la construction (3,7 millions d’années environ), ou encore les flux de magma injectés. Ce massif de syénite serait-il un « embryon de continent » ? Pour préciser cette hypothèse, la même équipe étudie actuellement la composition chimique des syénites pour comprendre l’origine et l’évolution des magmas.

 

Vue de la péninsule Rallier du Baty au niveau du mont du Commandant, îles Kerguelen.
Une roche claire, la syénite, s’est injectée dans les basaltes (plus foncés) en les soulevant. Les manchots royaux donnent l’échelle.
© Michel de Saint Blanquat

 

Référence :

Plutonic processes in transitional oceanic plateau crust: structure, age and emplacement of the South Rallier du Baty laccolith, Kerguelen Islands, Léandre Ponthus, Michel de Saint Blanquat, Damien Guillaume, Marc Le Romancer, Norman Pearson, Suzanne O’Reilly, Michel Grégoire. Terra Nova, 16 juin 2020. DOI : 10.1111/ter.12471

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