Par le passé, des événements volcaniques majeurs ont induit des extinctions massives de la vie, la dislocation de continents et de grands soulèvements régionaux. Leur formation reste énigmatique car elle nécessite la fusion du manteau à des taux élevés et à grande profondeur. Pour sonder les propriétés du manteau partiellement fondu, des chercheurs ont réalisé des expériences à l’aide d’une presse à multi-enclumes couplée à des méthodes avancées de mesures in situ. Ils mettent en évidence l’importance d’une grande quantité de chaleur concentrée dans les profondeurs du manteau après la solidification d’un océan magmatique global. L’ascension de panaches mantelliques de régions profondes induit des anomalies thermiques de plusieurs centaines de degrés et la fusion du manteau dans les premiers 1000 km de profondeur. Ce mécanisme explique non seulement la composition chimique des laves anciennes, mais aussi l’évolution du volcanisme de point chaud au cours de l’histoire de la Terre.
La composition des laves anciennes suggère la fusion du manteau à des profondeurs d’au moins 600-700 km et des taux de fusion entre 10 et 50 %. Mais les conditions précises pour produire les différentes laves, par exemple les komatiites, restent mal contraintes. L’interprétation des compositions est d’autant plus difficile que les laves sont plus anciennes. Des études antérieures mettent en exergue la complexité des mécanismes de fusion à cause de la présence probable d’eau et de CO2, et aussi à cause de l’évolution thermochimique des magmas lors de leur remonté vers la surface.
La chaleur accumulée dans le manteau profond après les épisodes d’océan magmatique induit la persistance d’un fort gradient de température. Dans ce cadre, un panache mantellique ascendant (ligne noire) est plusieurs centaines de degrés plus chaud que le manteau environnant. Ce type de panache fond partiellement lorsque sa température s’établie entre le solidus (bleu) et le liquidus (rouge) du manteau. Cela génère des magmas de compositions Komatiites, picrites et basaltes à plus de 700 km de profondeur et pour des taux de fusion atteignant jusqu’à 50%.
Des chercheurs du Laboratoire Magmas et Volcans et du Synchrotron SOLEIL présentent une étude détaillée des conditions de pression et température nécessaires à la production des laves anciennes par la fusion du manteau de composition pyrolitique. Grace à des méthodes originales de détection in situ de la fusion, ils ont pu synthétiser des échantillons avec des taux de fusion variés, pour une grande gamme de profondeurs dans le manteau, et de façon reproductible.
Il apparait que la nature des laves anciennes trouvées en surface est compatible avec la longue persistance d’un fort gradient de température dans le manteau profond. Ce type de gradient dit super-adiabatique est attendu après la solidification d’un océan magmatique profond. Avec l’établissement progressif des grands mouvements de convection dans le manteau qui caractérise la dynamique moderne de la Terre interne, de gros panaches mantelliques remontent vers la surface. Leur température élevée induit leur fusion progressive à de grandes profondeurs.
Sur la base d’une modélisation géodynamique, les auteurs montrent l’aplatissement progressif du profil super-adiabatique avec le refroidissement séculaire de la Terre. Cet effet est compatible avec la disparation progressive des laves anciennes générées à plus grandes profondeurs, sans pour autant empêcher les remontés de panaches profonds issus de la frontière noyau-manteau à l’origine de certaines îles océaniques.
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https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.abo1036