Quels sont les risques sanitaires d’une exposition prolongée à des émissions volcaniques ? Une étude publiée par des chercheurs travaillant pour l’IRD vient d’apporter de nouveaux éléments de réponse.
Vivre à proximité d’un volcan pourrait nuire à la fertilité et favoriser des maladies du foie : voilà ce que suggèrent les résultats obtenus par une équipe de géochimistes, volcanologues, et biologistes du laboratoire Magma et Volcan (LMV) et de l’institut de génétique, reproduction et développement (iGReD), à Clermont-Ferrand, en collaboration avec des scientifiques de l’Observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe. À terme, « nos travaux pourraient aider à mieux protéger les 10 % de la population mondiale – soit 800 millions de personnes –, qui vivent dans un environnement volcanique », souligne Lucie Sauzéat, géochimiste à l’IRD au LMV et à l’iGReD, et première autrice de l’étude.
En cause ici : les cendres volcaniques, ces particules de moins de deux millimètres de diamètre émises par les volcans, qui peuvent voyager sur des centaines de kilomètres avant de se déposer au sol. Jusqu’ici, les scientifiques savaient que l’inhalation d’une infime partie des cendres les plus fines (moins de 0,01 mm) pouvait, à court terme, induire des maladies respiratoires. En revanche, il existait peu de données concernant les risques liés à une exposition à plus long terme (pendant plusieurs mois ou années), par voies multiples (par inhalation mais aussi par ingestion orale), et à l’échelle de tout l’organisme, et pas seulement au niveau respiratoire.
Le « métallome », doublement impacté
Partant du fait que les cendres volcaniques sont riches en métaux (fer, zinc, cuivre…), Lucie Sauzéat et ses collègues ont exploré les effets d’une exposition prolongée à ces particules, sur le « métallome ». « Il s’agit là de l’ensemble des métaux et métalloïdes présents dans un système biologique, et caractérisés par leur localisation, leur forme chimique et leur concentration », éclaire Lucie Sauzéat. Avant de préciser : « Tout dérèglement au niveau du métallome peut induire des maladies. »
La chercheuse et son équipe se sont intéressés à 12 souris mâles adultes, dont la moitié a été exposée à des cendres du volcan de la Soufrière, en Guadeloupe, mélangées à leur litière. Ceci, pendant un mois ; ce qui équivaut à près de trois ans chez un humain avec une espérance de vie de 80 ans. À la fin de l’expérience, les scientifiques ont analysé le métallome de sept organes, dont le foie et les testicules, ainsi que celui du sang et de l’urine.
Comparées aux souris mâles contrôles (cercles vert clair), celles exposées pendant un mois à des cendres volcaniques riches en métaux (cercles vert kaki), présentent une accumulation anormale de cuivre et de fer dans leurs testicules (figure 4a), associée à une diminution d’au moins 25 % des spermatozoïdes (4b) et un amincissement de l’épithélium testiculaire, le tissu qui tapisse l’intérieur des tubes séminifères où sont produits les spermatozoïdes (4c).
Il est apparu que les souris exposées aux particules volcaniques présentaient une accumulation anormale de différents métaux (zinc, cuivre, fer…) au niveau des testicules ainsi que des changements de la composition isotopique en cuivre au niveau du foie. « Ce dernier paramètre correspond au rapport entre les concentrations de deux isotopes de l’élément cuivre : le cuivre dit lourd (65Cu, lire « cuivre 65 »), et le cuivre léger (63Cu). De telles variations reflètent probablement des dysfonctionnements hépatiques, sans que l’on puisse les identifier précisément via cette seule étude », explique la chercheuse.
Des résultats à confirmer chez l’humain
L’équipe a également examiné des coupes de testicules, l’un des organes les plus touchés par les dérégulations métallomiques. Ici, ils ont noté plusieurs altérations, dont notamment une diminution d’au moins 25 % du nombre de spermatozoïdes stockés dans l’épididyme, ainsi que plusieurs atteintes tissulaires importantes au niveau des tubes séminifères. D’où la conclusion qu’une exposition prolongée aux cendres volcaniques altère le métallome et pourrait de ce fait, avoir un impact sur la fertilité et favoriser l’émergence de maladies hépatiques – sans savoir lesquelles précisément, à ce jour.