Alors que la terre tremble dans le nord de l’Islande depuis quelques jours, et qu’elle « tremblotte » au sud-ouest depuis janvier, les vulcanologues viennent d’alerter la population qu’une éruption du Grímsvötn, au sud de l’île, est en vue.

Au sud-ouest de l’Islande, depuis janvier, une série de tremblements de terre secoue les alentours de Grindavik, non loin des eaux fumantes du touristique « Lagon bleu » dans la péninsule de Reykjanes, à 40 km à l’ouest de la capitale Reykjavik, forte d’environ 130 000 habitants. Du coup, la zone est sous surveillance.

Sur la côte nord, trois séismes d’une magnitude supérieure à 5 sur l’échelle de Richter ont été enregistrés ces derniers jours. L’un d’eux a été ressenti jusqu’à Reykjavík, située à 265 km.

Une succession d’événements sismiques dans des zones actives connues

Selon l’Institut météorologique d’Islande, l’épicentre de cet « essaim » sismique, qui devrait se poursuivre au cours des prochains jours, se trouve en mer, à 20 kilomètres au large de Siglufjördur, petit village de pêcheurs abritant 1 200 âmes. Et à environ 80 kilomètres d’Akureyri, deuxième ville d’Islande avec près de 20 000 habitants.

Aucun blessé ni dégât majeur ne sont pour l’instant à déplorer. Des glissements de terrain et des chutes de pierres ont été observés près de l’épicentre.

« La région est régulièrement secouée par des séismes et, pour les habitants, c’est juste un peu inquiétant, explique Olgeir Sigmarsson, géologue travaillant à la fois à l’Institut météorologique islandais à Reykjavik et au CNRS-université de Clermont-Auvergne. « Située sur la zone de fracture de Tjörnes, cette faille transformante, géologiquement active, est composée d’une série de zones tectoniques et volcaniques en mouvement, rappelle le géochimiste. Cette zone est truffée de sismomètres posés sur l’île de Grimsey – la plus au nord de l’Islande et au niveau de laquelle passe le Cercle polaire arctique — et les petites îles attenantes ».

Le dernier événement de ce type a été enregistré en 2012-2013. Le séisme le plus intense dans cette zone remonte à 1755, avec, selon des études conduites plus tard, des secousses de magnitude 7 sur l’échelle de Richter.

Un important volcan commence à montrer des signes d’impatience

Mais, le plus dangereux est ailleurs. Culminant à 1 725 m, le volcan Grímsvötn, le plus actif de l’île boréale, situé sous le grand glacier Vatnajökull, se prépare pour sa prochaine éruption, la première depuis 2011, ont fait savoir les autorités depuis la mi-juin.

Comment le savent-elles ? « Grâce, là encore, à plusieurs instruments posés en permanence sur le terrain et qui délivrent pratiquement une information en continu, indique Olgeir Sigmarsson. Par exemple des GPS qui envoient leurs données à Reykjavik via un satellite, et des capteurs à dioxyde de soufre (SO2) qui analysent régulièrement la composition et le taux des gaz émis par les anfractuosités. « Plus le magma se rapproche de la surface, plus le taux de SO2 augmente », précise le géochimiste. De plus, les GPS posés sur le glacier et le volcan permettent de suivre le moindre déplacement du sol dans les trois dimensions, y compris un éventuel gonflement traduisant une remontée du magma.

« Durant le XXe siècle, le Grimsvötn, qui serait situé juste à l’aplomb du point chaud de la dorsale médio-atlantique, est entré en éruption tous les dix ans en moyenne, rappelle Olgeir Sigmarsson. C’est le cas en 1996, 1998 et au XXIe siècle en 2004 et 2011 ».

Une activité volcanique dangereuse mais très bien surveillée

En 1996 et 2004, les éruptions s’accompagnent de crues brutales et dévastatrices provoquées par le débordement du lac sous-glaciaire, emportant des ponts et une partie de la route faisant le tour de l’île. L’eau s’écoule surtout vers le sud, inondant la plaine côtière, une région inhabitée, avant de rejoindre en environ 6 heures l’Atlantique.

Le réveil du Grímsvötn en 2011 a engendré un panache volcanique composé de vapeur d’eau, de cendres et de fragments de roches solides montant jusqu’à 15 km le premier jour, avant de se diluer et de retomber. L’éruption a tout de même entraîné l’annulation de quelque 900 vols aériens, les cendres ayant atteint le Royaume-Uni et les abords du continent européen. Ce qui était peu par rapport à la fameuse éruption du volcan Eyjafjöll, en avril 2010, dont le panache avait, lui, bloqué plus de 100 000 vols et 8 millions de passagers.

« Pour l’heure, on estime que les risques sont plus faibles, assure Olgeir Sigmarsson. Mais, cet hiver, le glacier est monté sur le cratère du Grímsvötn ; on peut s’attendre à une éruption dans les prochaines semaines voire le prochain mois », avance le géochimiste.

Denis Sergent, La Croix,