Le comportement inattendu des nuages de cendres volcaniques révélé

Les nuages de cendres volcaniques sont générés lors d’éruptions explosives très violentes. Ils sont un danger majeur pour l’homme, ayant des conséquences socio-économiques importantes, comme lors de l’éruption de Eyjafjallajökull en 2010. Une équipe internationale menée par le Laboratoire magmas et volcans (LMV/OPGC, Université Clermont Auvergne/CNRS/IRD), et incluant le Laboratoire de mathématiques Blaise Pascal (LMBP, Université Clermont Auvergne/CNRS) et Météo France (VAAC-Toulouse), vient de démontrer que les éruptions les plus intenses sont les moins efficaces à transporter les cendres dans l’atmosphère. Cela implique que leur concentration dans les nuages volcaniques peut être jusqu’à 50 fois inférieure aux prévisions actuelles.


Schéma illustrant les mécanismes de sédimentation et de transport des cendres volcaniques pour différents styles éruptifs. En particulier, les éruptions de type « Plinienne » qui sont les plus intenses, ont un contenu en cendres fines très riche. Cela induit des mécanismes collectifs de sédimentation, ce qui accélère la chute des particules. ©Mathieu Gouhier

Les nuages de cendres volcaniques sont des phénomènes plutôt fréquents, générés lors d’éruptions explosives extrêmement violentes. Composés principalement de fines particules (<100µm), les nuages de cendres peuvent être transportés dans l’atmosphère sur plusieurs milliers de kilomètres. Cela peut avoir des conséquences socio-économiques importantes, comme lors de l’éruption du volcan Eyjafjallajökull (Islande) en 2010, qui avait provoqué une interruption sans précédent de l’espace aérien et engendré des milliards d’euros de pertes. Les conséquences peuvent même être dramatiques si les avions de lignes viennent à croiser ces nuages de cendres. Par ailleurs, les retombées de cendres sur le sol représentent un danger majeur pour les populations vivant à proximité du volcan (effondrement des toitures, pollution des réseaux d’eau et d’assainissement, inhalation des particules fines).

Compte tenu de l’accroissement conjoint de la population mondiale et du trafic aérien, mieux comprendre le comportement de ces nuages de cendres est désormais un enjeu majeur de la volcanologie moderne.

Pourtant, les processus de sédimentation (c.à.d. la chute des cendres) et de transport qui contrôlent la proportion de cendres fines (ε) dans ces nuages sont encore très mal compris. Jusqu’à présent, on estimait au sein de la communauté scientifique que la proportion de cendres fines dans ces nuages représentait environ 5% de la quantité totale de tephras (c.à.d. fragments de roche éjectés), et ne variait pas d’une éruption à l’autre. En conséquence, au cours des deux dernières décennies, les agences météorologiques opérationnelles (VAAC) ont utilisé cette valeur par défaut en entrée des modèles de prévision de la concentration des nuages de cendres lors des crises volcaniques.

Cependant, nous montrons ici à partir d’une étude inédite combinant données de terrain et satellite, que la proportion de cendres fines (ε) injectée dans l’atmosphère est en fait extrêmement variable et comprise entre 0.1% et 6.9%, couvrant ainsi presque deux ordres de grandeur. Cette variation de ε n’est pas aléatoire, elle est inversement proportionnelle au flux de masse de tephras éjecté à l’évent (voir fig.1). En effet, de manière inattendue, nous démontrons que les éruptions les plus intenses (c.à.d. éruptions pliniennes) sont en fait les moins efficaces (avec ε = 0,1%) à transporter les cendres fines dans l’atmosphère. Nous expliquons ce résultat par l’existence d’une sédimentation dite « collective » des particules dans les nuages riches en cendres, ce qui a pour effet d’accélérer la chute des cendres fines, diminuant ainsi la charge en cendres résiduelle au sein du nuage.

Cela implique que la quantité de cendres fines transportées dans l’atmosphère peut être jusqu’à 50 fois inférieure aux prévisions actuelles. Cela a des conséquences majeures pour les décideurs en charge de la sécurité du trafic aérien. Au sol en revanche, les retombées de cendres fines peuvent être beaucoup plus importantes que ce que prédisent actuellement les modèles de dépôt. Cela peut avoir des conséquences dramatiques dans l’évaluation des risques associés aux populations vivant à proximités des zones volcaniques.

Source(s):

Gouhier, M., Eychenne, J., Azzaoui, N., Guillin, A., Deslandes, M., Poret, M., Costa, A., Husson, P., (2019). Low efficiency of large volcanic eruptions in transporting very fine ash into the atmosphere. Scientific Reports, doi: 10.1038/s41598-019-38595-7

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