Différenciation primitive des planètes & ségrégation du noyau (voir l’Axe Terre Primitive)

 

Melting-Andrault

Courbes du solidus et du liquidus d’un manteau chondritique (en noir) comparées aux adiabats de l’océan magmatique (en pointillé). D’après Andrault et al. (2011).

    Cristallisation des océans magmatiques. Jusqu’à très récemment, notre connaissance des propriétés de fusion des matériaux géologiques dans les conditions du manteau inférieur terrestre reposait sur des extrapolations d’expériences réalisées à des pressions modérées. Pourtant, les courbes de solidus et liquidus de ces matériaux dominent les processus de cristallisation de l’océan magmatique et la formation des différents réservoirs géochimiques mantelliques. Elles contrôlent aussi la fusion qui pourrait se produire aujourd’hui juste au-dessus de la frontière noyau-manteau et générer des hétérogénéités chimiques à l’origine des panaches mantelliques.

          Nous avons récemment réalisé trois travaux originaux dans ce domaine qui proposent les courbes de solidus et liquidus pour le manteau (composition chondritique) et pour un basalte, ainsi que l’analyse des relations de phases et le partage du fer entre solide et liquide lors de la fusion partielle. Les implications majeures sont :

(i) qu’il est improbable que la Terre ait été fondue entièrement pendant de longues périodes, à cause de la très forte température de surface que cela impliquerait (température potentielle), Andrault et al. (2011).

(ii) Que le liquide issu de la fusion du manteau chondritique à grande profondeur devrait être moins dense que le manteau et donc remonter lors de la cristallisation de l’océan magmatique, Andrault et al. (2012).

(iii) Que la température actuelle régnant à l’interface noyau-manteau pourrait induire la fusion partielle des basaltes qui sont subduits à ces grandes profondeurs; cela pourrait expliquer les anomalies sismiques observées dans la couche D », Andrault et al. (2014).

 Détermination de la composition des faibles degrés de fusion dans le manteau supérieur.

low-degree-melts

Piège à liquide issus de faibles taux de fusion. Ici, le liquide issu de la fusion d’une péridotite a été piégé dans des fissures se produisant dans la capsule en graphite lors de la compression en piston-cylindre. D’après Laporte et al. (2004).

 Fusion du manteau hétérogène. Les résultats majeurs de ce thème reposent sur des développements techniques permettant d’extraire et d’étudier les faibles taux de fusion du manteau en présence d’eau ou de CO2 (Lambart et al. 2013 ; Sorbadère et al. 2013 ; Condamine et Médard 2014). Les principaux résultats obtenus sont (1) la production de liquides non-basaltiques, riches en silice par fusion du manteau, et (2) le rôle des hétérogénéités pyroxénitiques sur la fusion du manteau. Nous avons déterminé la composition des premiers degrés de fusion partielle (jusqu’à moins de 0.9 %) du manteau fertile anhydre pour des pressions entre 1.0 et 1.5 GPa. Les liquides produits ont des compositions très enrichies en silice et alcalins et très appauvries en MgO, FeO et CaO, se classant ainsi dans le champ des trachy-andésites, voire des phonolites (Laporte et al. 2014). Ce résultat confirme que certaines phonolites naturelles pourraient être produites directement par fusion du manteau, une hypothèse avancée dans les années 80-90, mais écartée ensuite faute de preuve expérimentale. L’étude de la fusion du manteau métasomatisé contenant amphiboles et/ou micas, à 1 et 3 GPa montre que les liquides obtenus sont également riches en silice (jusqu’à 64% de SiO2), et ce pour des taux de fusion plus élevés que dans le cas de la fusion anhydre (Condamine et Médard 2014). Les liquides produits expérimentalement sont identiques aux magmas primaires potassiques rencontrés dans les zones de convergence (shoshonites et leucitites), ce qui montre qu’ils sont donc produits par fusion d’un manteau hybride à phlogopite contenant un composant crustal métasomatique. Dans un autre contexte, la fusion d’une source mixte hydratée pyroxénite-peridotite dans les conditions de genèse des magmas d’arc (Sorbadère et al., 2013) confirme le fait que les liquides primitifs sous-saturés en silice générés en contexte de zone de subduction reflètent des sources comprenant des lithologies clinopyroxénitiques. A pression et température comparables, la plupart des pyroxénites produisent des magmas aux compositions comparables à celles des magmas de péridotites. Nos données ont permis de quantifier la productivité en liquide des pyroxénites et d’évaluer leur contribution à la production des basaltes en contexte de ride médio-océanique et de point chaud (Lambart et al. 2013). Ces résultats ont été complétés par l’étude du devenir des liquides pyroxénitiques lors de leur remontée au sein du manteau péridotitique, via des expériences d’interaction et imprégnation (Lambart et al. 2012) et leur impact sur la composition des liquides et sur la composition et la minéralogie du manteau.

Mise à jour : Sylvie Demouchy

 

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