La règle des phases permet de réaliser des représentations graphiques simples des paragenèses des roches métamorphiques, pour une gamme de compositions chimiques données.
Un outil extrémement puissant pour comprendre pourquoi tels ou tels minéraux ne peuvent exister ensemble dans une même roche, dans un intervalle donné de P et T. Des diagrammes qui permettent de comprendre d’un simple coup d’oeil que telles paragenèses différentes sont liées à de faibles différences de compositions chimiques ou, au contraire, ne se sont pas formées dans les mêmes conditions P-T. Un petit exercice de géométrie pas très compliqué et qui, pourtant, a tant de mal à passer auprès des étudiants !
Les paragenèses sont des assemblages divariants pour lesquels le nombre de minéraux est égal au nombre de constituants chimiques : M = C. Ces diagrammes nous permettent de mettre en évidence l’influence respective de la composition chimique et des paramètres PT du métamorphisme.
Prenons le cas de granulites alumineuses de la région d’Andriamena à Madagascar. Deux roches contiennent essentiellement Opx + Sill + Q pour la roche C1 et Opx + Saph + Q pour la roche C2. Les compositions chimiques de ces roches sont données dans le tableau suivant :
Pour créer un diagramme de phases pour ces roches, il faut tout d’abord définir le nombre de constituants chimiques indépendants. Dans le cas présent, on retient 4 éléments qui totalisent plus de 95% du total des analyses et on néglige tous les autres dont les teneurs sont inférieures à 1%.
D’autre part, on sait que le fer et le magnésium, éléments au volume équivalent, se remplace l’un l’autre dans les minéraux ferro-magnésiens que l’on appelle des solutions solides. Ainsi l’olivine de composition (Fe, Mg)2SiO4 est un mélange (une solution solide) entre un pôle pur ferrifère (Fe2SiO4, appelé fayalite) et un pôle pur magnésien (Mg2SiO4, appelé forstérite). Dans un système purement magnésien, l’olivine est la forstérite. Si l’on rajoute du fer au système, l’olivine devient une solution solide Fe-Mg, mais aucune nouvelle phase ne se forme comme l’on pourrait s’y attendre conformément à la règle des phases.
On peut donc considérer que le fer et le magnésium ne constitue qu’un seul élément. Ainsi, les compositions de C1 et C2 peuvent être représentées dans un système simplifié de 3 éléments : SiO2 – Al2O3 – (Fe, Mg)O. On peut matérialiser graphiquement les variations de ce système dans un triangle :
Les roches C1 et C2 sont représentées par deux points (bleus : C1 à droite et C2 à gauche) en fonction des proportions respectives des 3 éléments. Les minéraux de ces roches contiennent bien sûr les mêmes éléments et sont aussi représentables sur ce triangle (points rouges). Le quartz (Q) de composition SiO2 est au sommet SiO2 du triangle ; la sillimanite, de composition Al2SiO5 que l’on peut réécrire Al2O3,SiO2, se situe au milieu du côté SiO2-Al2O3 ; et ainsi de suite pour le spinelle (Sp), l’orthopyroxène (Opx) et la saphirine (Saph).
La Règle des Phases indique que la paragenèse (assemblage divariant) d’une roche contient le même nombre de minéraux M que de constituants chimiques. Dans le cas présent, C=3, donc M= 3. On dessine des triangles partiels dans le triangle SiO2 – Al2O3 – (Fe, Mg)O avec un minéral à chaque sommet : un roche qui se trouve dans un de ces triangles contient ces 3 minéraux.
Les lignes de liaison reliant les minéraux en équilibre ne doivent jamais se couper. Compte tenu de la position des différents minéraux, 2 solutions sont possibles. Chaque solution correspond à un domaine divariant DP-DT. Ces domaines sont séparés par un assemblage univariant. Cet assemblage univariant est constitué des 4 minéraux (M=C+1) des 2 lignes de liaison qui se remplacent mutuellement : Opx – Sill – Q – Saph.
En fonction des proportions des 3 constituants chimiques, différentes roches ont des paragenèses différentes : Q-Opx-Sill ; Opx-Sill-Saph ; Opx-Sp-Saph ; Sill-Sp-Saph dans le domaine divariant à gauche. Q-Opx-Saph ; Q-Sill-Saph ; Opx-Sp-Saph ; Sill-Sp-Saph dans le domaine divariant à droite. Noter que 2 paragenèses sont identiques dans les 2 champs divariants.
La paragenèse Opx + Sill + Q de la roche C1 montre que celle-ci s’est formée dans les conditions P-T du domaine divariant de gauche. La paragenèse Opx + Saph + Q de la roche C2 montre que celle-ci s’est formée dans les conditions P-T du domaine divariant de droite. Ainsi, la simple lecture de cette figure nous indique que ces 2 roches ne se sont pas formées dans les mêmes conditions P-T.
Cet exemple peut être illustré par un petit exercice cartographique.
L’échantillon photographié ci-dessous (au microscope, en LPNA) montre la transition entre les 2 domaines divariants (flèche rouge):
Les gros cristaux de saphirine et de quartz étaient, dans un premier temps, en contact, en équilibre dans le domaine divariant de droite. Ils sont maintenant séparés par une couronne de sillimanite et d’orthopyroxène, suggérant un passage dans le domaine divariant de gauche.
Cet exemple est malheureusement un peu simpliste, car il est rare que seulement 3 constituants chimiques rendent compte de la composition d’un roche. Des représentations graphiques classiques sont utilisées pour interpréter les paragenèses des métabasites (diagramme triangulaire ACF) et des métapélites (diagrammes triangulaires A’KF et AFM).
Voir aussi l’élaboration d’une grille pétrogénitique et la suite de cet exercice.
Retour au Cours de Métamorphisme, de Pétrologie Endogène , à la Photothèque ou bien à la première page ?