La réorientation des filons magmatiques au cours de leur propagation est un mécanisme important qui peut conduire à relocalisation des évents d’un volcan. Ce processus se produit plus particulièrement au cours d’éruptions volcaniques explosives et est associé à la formation d’excavations souterraines et à la remobilisation de l’encaissant et des roches volcaniques plus anciennes. Des méthodes numériques ont été utilisées pour quantifier les interactions entre excavation-remplissage d’un cratère et les processus d’intrusions magmatiques. Des scientifiques internationaux et un chercheur du Laboratoire magmas et volcans (LMV) ont pu observer la génération de contraintes tectoniques compressives sous le cratère lors de son excavation favorisant une réorientation latérale des intrusions magmatiques. Ces modèles mettent ainsi à jour de nouveaux mécanismes expliquant à la fois la génération d’intrusions latérales liées à la réorientation des intrusions magmatiques dans la croûte, et la fragmentation explosive intra-cratère pendant le volcanisme phréatomagmatique. Leurs travaux ont été publiés le 13 avril 2018 dans Nature Communication :

https://www.nature.com/articles/s41467-018-03865-x

Des études récentes de terrain et en géophysique ont révélé que la croissance des réseaux complexes d’intrusions magmatiques subhorizontales (sills) ou subverticales (dikes) sous-jacents aux champs volcaniques monogéniques, influence la localisation et le style des éruptions. La combinaison de l’activité explosive et du changement potentiel de la localisation de l’évent du volcan, qui augmente graduellement la surface impactée par l’éruption, pose un risque important pour les localités à forte densité de population situées sur des champs volcaniques (par exemple, la ville d’Auckland en Nouvelle-Zélande).

En utilisant des simulations numériques par élément finis, nous avons pour la première fois modélisé les effets mécaniques sur l’état de contrainte local lors de l’excavation d’un cratère, suivie par son remplissage par les dépôts générés par l’explosion. Notre approche permet de calculer en 3D l’orientation des contraintes tectoniques contrôlant la géométrie et la direction de propagation des intrusions magmatiques. A l’intérieur d’un domaine élastique (de type grès) soumis à des charges gravitationnelles, l’excavation du cratère est modélisée dans un premier temps par la formation d’un cône inversé dont la surface est soumise à une force verticale proportionnelle au volume de roche éjecté. La géométrie finale et l’état de contrainte qui en résultent sont utilisés comme conditions initiales dans la seconde étape de remplissage, celui-ci étant effectué à l’aide d’un matériel volcanoclastique de faible réponse élastique.


Figure 1 : Croquis d’une éruption de type phréatomagmatique et développement du système d’alimentation magmatique superficiel. a) proto-diatrème (stade d’excavation) et b) développement du diatrème (stade de remplissage). Les flèches colorées représentent l’orientation de la contrainte de compression minimale (σ3), les couleurs bleue et rouge représentent respectivement la contrainte tectonique différentielle en extension et en compression.

Les résultats de cette étude montrent que l’excavation liée à la formation d’un cratère génère des contraintes compressives horizontales (Fig. 1a) et provoque la rotation des contraintes sous-jacentes. Ceci entraine sous le cratère une réorientation latérale de l’intrusion magmatique se propageant verticalement sous la forme d’un dike (Fig. 1a). Par la suite, le remplissage du cratère provoque un nouveau changement dans l’orientation des contraintes qui refocalise la propagation du magma vers l’intérieur du cratère. L’intrusion du magma est favorisée par des contraintes extensives horizontales (Fig. 1b). Au fur et à mesure que le cratère se remplit, des contraintes compressives horizontales vont être générées dans sa partie supérieure (Fig. 1b). Ces dernières vont à nouveau inhiber la propagation verticale du magma favorisant alors une réorientation latérale sous la forme de sills pouvant induire des explosions intra-cratère (Fig. 1b).

L’étude détaillée des phases successives liées à la formation d’un maar lors d’une éruption phréatomagmatique permet de mettre en évidence des mécanismes tectoniques contrôlant la réorientation des intrusions magmatiques latéralement. Ces réorientations augmentent les risques volcaniques et doivent être pris en compte dans les régions du monde sujettes à ce type d’éruptions.

Contributions :

Nicolas Le Corvec1 a contribué à la conception et la conduction de la modélisation, et à l’écriture de l’article, James D. Muirhead2 et James D. L. White3 ont contribué à l’idée initiale du projet et à l’écriture de l’article.

1- Laboratoire Magmas et Volcans, Université Clermont Auvergne – CNRS – IRD, OPGC, 6 Avenue Blaise Pascal 63178 Aubière Cedex, France

2- Department of Earth Sciences, Syracuse University, Syracuse, 204 Heroy Geology Laboratory Syracuse, NY 13244, USA

3- Geology Department, University of Otago, PO Box 56 Dunedin 9054, New Zealand

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