Mardi 4 Avril à 14h dans la salle des séminaires (1.10) : Jean-Christophe Sabroux (IRSN, CEA, Saclay, France)
Très différente de l’accident nucléaire de Tchernobyl, et bien moins médiatisée, la catastrophe du lac Nyos, avec ses 1 800 victimes, a été elle aussi commémorée en 2016 à l’occasion de son trentième anniversaire.
En août 1986, dans une région reculée du nord-ouest du Cameroun, une éruption de gaz carbonique anéantissait en un instant toute vie animale jusqu’à vingt-cinq kilomètres en aval d’un lac d’origine volcanique. C’est avec stupeur que l’on découvrait alors que la nature, dont on croyait connaître tout l’arsenal destructeur, pouvait aussi déclencher contre l’homme la « guerre des gaz ».
La migration du CO2 du manteau terrestre vers la surface, son stockage sous ou dans un lac, et sa libération brutale par un mécanisme que j’ai appelé « éruption limnique » sont désormais compris et expliqués. Dans cet enchainement de processus naturels, il est question de volume molaire partiel, de double diffusion dans un milieu stratifié, de méromicticité, d’écoulement diphasique et de détente isotherme. Mais seuls quelques lacs dans le monde semblent présenter une configuration propice aux éruptions gazeuses.
Consciente, dès 1987, de la possibilité tout à fait exceptionnelle d’éradiquer un risque naturel à sa source, la Délégation aux Risques Majeurs (aujourd’hui Direction Générale de la Prévention des Risques) a pris l’initiative de promouvoir et de soutenir le projet de dégazage contrôlé du lac Nyos. Désormais achevée, cette entreprise hors du commun sera décrite dans ses composantes scientifiques, techniques et humanitaires. La présentation qui en sera faite permettra d’évoquer les risques potentiels du stockage géologique du gaz carbonique, et de rappeler, cinq ans après le séisme et tsunami de Tohoku, et l’accident nucléaire de Fukushima, qu’en matière d’aléa naturel il convient « d’imaginer l’inimaginable ».