La tectonique des plaques est rendue possible par le déplacement de la lithosphère sur l’asthénosphère via un découplage mécanique entre ces deux parties du manteau terrestre. Cette limite entre la lithosphère et l’asthénosphère correspond à une région de ralentissement de la vitesse des ondes sismiques (low-velocity zone, LVZ). Ce ralentissement est généralement interprété comme le témoin de la présence de liquide produit par la fusion du manteau. Près des rides médio-océaniques (chaînes de montagnes sous-marines), l’origine du liquide peut être reliée à l’ascension de l’asthénosphère à l’aplomb de la ride. Loin des rides, par contre, la présence de liquide est plus difficile à expliquer compte-tenu du régime thermique, la température du manteau étant inférieure à son solidus, c’est-à-dire la température du début de la fusion.

Une nouvelle étude suggère la présence de carbonates fondus disséminés dans le manteau océanique, au niveau de la limite entre la lithosphère et l’asthénosphère. Les chercheurs ont réussi à reproduire expérimentalement les deux étapes d’introduction du carbone. La lithosphère porte, dans sa partie superficielle, des carbonates (sédiments ou altération des fonds océaniques). Lorsqu’elle vieillit, sa densité augmente et elle plonge dans le manteau (phénomène de subduction). Les carbonates sont réchauffés, ce qui conduit à leur décomposition, libérant du CO2 en profondeur. C’est la première étape d’introduction du carbone. Lors de la deuxième étape, le CO2 est entraîné à de plus grandes profondeurs jusqu’à atteindre des pressions où la fusion intervient. Les carbonates fondus qui en résultent présentent une forte capacité d’infiltration et une grande mobilité qui permettent leur dissémination rapide sur de grandes distances. La zone imprégnée est limitée, d’une part, vers le haut par les réactions de décarbonatation (le CO2 est piégé dans la lithosphère et stabilisé) et, d’autre part, vers le bas par les réactions de réduction du carbone en graphite et diamant (voir figure ci-dessous).

 

Synthèse du modèle de migration des carbonates fondus. La zone de circulation du liquide est indiquée en vert clair. Au-dessus (couleur saumon), le carbone est stable sous forme CO2. En-dessous (vert foncé) le carbone est réduit en graphite / diamant.

 

La composition de certaines laves produites en contexte océanique (rides avortées fossiles, petits spots, métasomatisme de points chauds), qui présente des carbonates fondus ou des traces d’un processus les impliquant, corrobore la proposition d’existence d’un niveau enrichi en carbone à l’échelle globale sous les océans. Etant donné la datation des premiers sédiments carbonatés et des débuts de la tectonique des plaques dite « moderne », aux alentours de 3 milliards d’années, les chercheurs font l’hypothèse que l’existence d’une telle couche carbonatée pourrait avoir été à l’origine de la stabilisation de cette tectonique des plaques moderne.

 

Voir aussi :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/puy-de-dome/clermont-ferrand/quand-des-chercheurs-de-clermont-ferrand-tentent-de-percer-les-mysteres-de-la-tectonique-des-plaques-1938523.html

 

En savoir plus

Is There a Global Carbonate Layer in the Oceanic Mantle? – Geophysical Research Letters, Volume 48, Issue 2

T. Hammouda, G. Manthilake, P. Goncalves, J. Chantel, J. Guignard, W. Crichton and F. Gaillard

https://doi.org/10.1029/2020GL089752