Les continents, caractéristique spécifique de notre planète, recèlent encore des mystères. A partir de données chimiques sur les roches sédimentaires compilées de la littérature scientifique, depuis les années 1980 à nos jours, Marion Garçon, chercheuse du CNRS dévoile une nouvelle histoire géologique des continents. Elle a pu déterminer que leur formation n’est pas un processus continu et que ces derniers ont toujours été riches en silice1. Ces nouvelles informations, publiées le 22 septembre 2021 dans Science Advances, remettent en cause certains modèles sur le début de la tectonique des plaques et permettent de mieux comprendre l’évolution des continents au cours du temps.
Souvent cités au nombre de cinq, parfois au nombre de six et pourtant au nombre de sept, les continents sont encore entourés de mystères. Ils constituent la partie émergée de la croûte continentale terrestre. Les continents ont des reliefs variés ainsi que des roches de composition et d’âges différents rendant leur étude complexe de par leur hétérogénéité.
Marion Garçon, chercheuse du CNRS au Laboratoire magmas et volcans (CNRS/IRD/Université Clermont Auvergne) a étudié une compilation de données regroupant des informations sur des roches sédimentaires âgées de 3,7 milliards d’années à nos jours. En se basant sur les mesures chimiques acquises depuis les années 1980, la chercheuse a apporté un regard nouveau sur l’enregistrement des roches sédimentaires. Grâce à cette nouvelle étude, elle a pu tirer deux conclusions qui remettent en cause certains modèles et théories sur la formation des continents.
Sa première conclusion est que les continents ont toujours été riches en silice. En effet, la silice constitue en moyenne 67 % de la masse des continents et n’est jamais descendue en dessous des 60% au cours de l’histoire de la Terre. Cette première découverte vient contredire les modèles disant que les continents étaient plutôt pauvres en silice et riches en fer et magnésium au début de l’histoire de la Terre.
En haut : Évolution temporelle de la composition moyenne en silice (SiO2) des continents. L’étoile orange représente la valeur actuelle pour la croûte continentale, soit 67 % de sa masse alors que l’étoile verte indique la valeur actuelle pour la croûte océanique, de 50 %. La croûte continentale a toujours été riche en silice par rapport à la croûte océanique plus pauvre.
En bas : Évolution temporelle des périodes de forte croissance crustale (bandes verticales grises) enregistrées par les roches sédimentaires depuis 3,7 milliards d’années.
© Marion Garçon
Sa seconde découverte est que la formation des continents n’est pas un processus continu. Il y a eu six grands événements de croissance de la croûte continentale tous les 500-700 millions d’années sur les derniers 3,7 milliards d’années. Ces évènements ont permis aux continents de grossir pour atteindre la taille qu’ils ont aujourd’hui. Ils pourraient être liés aux cycles d’assemblage et de démantèlement des super continents comme la Pangée, le plus célèbre d’entre eux.
En effet, à travers les âges, les super continents ont connu des périodes de démantèlement et d’assemblage avec une récurrence proche de celles des six événements de croissance continentale découverts par cette étude. Aujourd’hui, aucune corrélation ne peut être faite entre ces événements, mais cela permet d’orienter de futures études. Les travaux de Marion Garçon éclairent d’un nouveau jour la composition et l’évolution des continents au cours du temps permettant d’affiner les modèles géologiques et ainsi ouvrir la voie à de nouvelles études.
Episodic growth of felsic continents in the past 3.7 Ga. Marion Garçon. Science Advances, le 22 septembre 2021. DOI : 10.1126/sciadv.abj1807